L’opposant russe Vladimir Ossetchkine, réfugié politique installé à Biarritz depuis 2015, a une nouvelle fois été la cible d’un projet d’assassinat déjoué par la DGSI. Quatre hommes, dont trois originaires du Daghestan, ont été mis en examen mi-octobre pour « association de malfaiteurs terroriste », après avoir réalisé des repérages autour de son domicile au Pays Basque.
À travers l’histoire de cet homme devenu involontairement une figure locale, c’est aussi la capacité de Biarritz à accueillir, protéger et soutenir qui se révèle.

Avant Biarritz : le combat d’un lanceur d’alerte russe

Avant de poser ses valises sur la côte basque, Vladimir Ossetchkine menait déjà un travail de dénonciation particulièrement sensible.
Fondateur du site et ONG Gulagu.net, il révélait des vidéos et des témoignages sur la torture, les viols et la corruption dans les prisons russes. En Russie, le système pénitentiaire est un territoire où règne l’impunité. En s’attaquant à ce noyau dur du régime, Ossetchkine franchit une frontière invisible : celle qui sépare l’activisme du danger pur et simple.

Rapidement placé sur la liste des personnes recherchées par le pouvoir russe, il demande puis obtient l’asile politique en France en 2015.


Pourquoi Biarritz ?

Il aurait pu choisir Paris, Berlin ou Londres. Il a choisi Biarritz.
Pour la discrétion, la paix apparente, et ce mélange rare de tranquillité et d’ancrage local. Ici, ses enfants ont grandi. Ici, il a pu continuer ses enquêtes, ses échanges avec la Cour pénale internationale, et la mise au jour systématique d’abus en Russie.

Biarritz est devenue pour lui une zone tampon : assez éloignée du tumulte européen, suffisamment connectée pour poursuivre ses dossiers.


Les menaces : du point rouge de 2022 à l’enquête antiterroriste de 2025

2022 : un viseur laser dans sa salle à manger

En septembre 2022, l’affaire prend un virage glaçant.
Comme il le raconte à RTL et Europe 1, un point rouge de viseur traverse les murs de sa maison pendant le dîner familial. Les forces de l’ordre constatent des détonations à proximité.
L’enquête du parquet de Bayonne reste prudente sur la qualification de tentative d’assassinat, mais la DGSI intensifie immédiatement sa vigilance autour de l’opposant.

2025 : quatre hommes interpellés près de son domicile

Le 13 octobre 2025, tout se resserre.
La DGSI arrête quatre individus ayant effectué des photographies et vidéos des abords de sa maison.


Selon Mediapart, ces hommes — trois Russes du Daghestan et un Français — sont placés en détention provisoire pour “association de malfaiteurs terroriste”.
France Bleu, qui l’a interrogé longuement, précise que les clichés ont été retrouvés dans leurs téléphones.

Ossetchkine affirme que ces hommes seraient liés à des forces spéciales russes, parlant d’une « commande du Kremlin », comme il l’explique aussi à Sud Ouest.
L’enquête du Parquet national antiterroriste se poursuit encore.


Une vie protégée mais ancrée à Biarritz

Depuis 2022, Ossetchkine vit à Biarritz sous protection policière.
Il a changé d’adresse, remanié ses habitudes, réduit ses apparitions publiques. Pourtant, il reste fidèle à la ville qu’il décrit comme un « paradis » pour sa famille.
Il continue de mener l’ONG Gulagu.net, de collaborer avec des institutions internationales, et de documenter les dérives du système russe.


Biarritz, ville refuge… et ville solidaire

Au-delà du dossier judiciaire, ce que montrent ces dernières années, c’est autre chose de plus discret mais essentiel.
Peux-t-on dire que le Pays Basque a soutenu Ossetchkine à sa manière ? Sans bruit, sans posture, avec la culture locale du respect et de la parole tenue.
Ici, on sait ce que veulent dire les tensions politiques, les histoires de clandestinité, les combats pour les droits humains.
Ici, l’exil n’est pas un concept abstrait.

La population biarrote n’a jamais cherché à l’exposer.
Elle a surtout laissé vivre une famille qui cherchait la paix.
Parfois c’est tout ce dont un opposant a besoin : une ville qui ne le regarde pas comme un drapeau, mais comme un voisin.

Et malgré les menaces, Vladimir Ossetchkine continue de dire qu’il aime Biarritz.
On peut sourire : il a choisi une ville où les vagues ont l’habitude de revenir, où la lumière change d’une heure à l’autre, où l’on apprend vite que la transparence est une force.

par mikel